AU FIL DE L'EAU: DE CAEN À LA NORVEGE
Avec le soutien de l’Institut Français et la Région de Basse Normandie, nous sommes partis en Norvège du 28 Aout au 14 septembre 2012. "Nous" ce sont Deborah Lennie, Fred Hocké et Patrice Grente. En voiture.
Le voyage s’est déroulé en deux étapes : une première étape comprenant la route de Caen à Bergen avec une représentation sur place dans le cadre de Proverommet, organisé par BIT Theatergarajsen ; la deuxième étape étant un temps de résidence suivi d’une représentation sur l’île d’Utsira. Le projet était d’aborder le voyage comme un ‘road movie’, pendant lequel nous récolterions du matériel flmique, sonore, textuel… à partir duquel nous construirions des formes à présenter dans les lieux qui nous accueillaient. Ces formes devaient avoir un lien direct avec les lieux dans lesquels nous jouerions (Bergen et Utsira).
PREMIER ETAPE : VERS BERGEN
Nous sommes partis en voiture le 28 Aout de Caen. Nous avons traversé la Belgique, l’Allemagne et le Danemark pour arriver le 1er Septembre à Kristiansand, Norvège.
Pendant ce trajet nous avons commencé déjà à filmer et à enregistrer du son, notamment aux passages de frontières et sur le bateau qui nous emmenait de Hirtshal, Danemark, à Kristiansand en Norvège. Nous avons emprunté la route E39 suivant la côte sud-ouest vers Bergen, en passant par Mandal, Flekkefjord, Sandes, Forsund, Lysebotn, Stavanger, Haugesund…et Bergen. Tout au longue de la route nous étions frappé par la beauté variée des paysages. Nous sommes arrêtés beaucoup, même jusqu’à retarder notre arrivée à Bergen d’une journée. Une petite anecdote : nous sommes réveillés un matin à
6h pour prendre le bateau de Lysebotn qui se trouve au bout du Lysefjord. La lune, rose, était toujours levée et se trouvait au milieu du fjord, devant nous. Evidemment, nous nous sommes précipités pour sortir du matériel et effectuer en temps réel une petite séquence de flme. Et réussir, malgré tout, à prendre le bateau de 7h30 ! Pour nous, cela témoigne assez justement d’un des aspects de notre manière de travailler : se rendre disponible à ce qui nous échappe, ce qui n’est pas prévu et d’essayer de travailler aussi à partir de là. Cette séquence a été mise en résonance d’une séance d’enregistrement de pierres tombantes d’un écoulement que nous avons effectué plus tard sur la route. Entre les paysages de montagne, de petits lacs, de fjords, des ambiances quasi-lunaires, des traversées en bateau qui parsèment constamment le trajet, après quelques jours de voyage, nous avons commencé à ressentir un ‘trop plein’ de beauté. Une beauté omniprésente, écrasante, partout où nous regardions, il y avait cette beauté naturelle énorme qui nous entourée. Les paysages magnifques se succèdent, tous plus beaux les uns que les autres. Cela peut paraître surprenant, mais c’était presque avec un certain soulagement que nous arrivions à Bergen, qui lui aussi a son charme, mais où nous pouvions retrouver une certaine banalité urbaine, non sans intérêt pour nous. Un parking un moitié vide, sous la grisaille bergenoise, contrasté tellement avec ce que nous avions traversé depuis quelques jours que sensiblement, autre chose se mettait en mouvement en nous. Comme si là, il y avait de la place, il y avait quelque chose à écrire. Nous avons donc travaillé pendant deux jours à prendre du matériel à Bergen même et autour du lieu ‘la Chagall’ et à mettre en forme le matériel récolté.
Notre présentation a eu lieu le 3 Septembre pour l'ouverture de la saison de Proverommet du Theatergarajsen a été reçue avec l’enthousiasme du public et des organisateurs. On est heureux.
DEUXIEME ETAPE : UTSIRA
Nous sommes partis donc le 4 septembre pour l'île d'Utsira où nous étions accueillis pendant une semaine en résidence dans la maison de l'ancien gardien de phare de l'île.
Utsira, pour le situer, se trouve à 15 kilomètres de la côte norvègienne, en mer du nord. C'est donc un lieu relativement isolé avec une population de 250. Nous étions très touchés par l'accueil chaleureux de la mairie et les organisateurs des résidences d'artistes, Arnstein Ek et Atle Grimsby. Globalement, les rencontres que nous avions pu faire sur l'île, que ce soit avec la directrice de l'école, les restaurateurs, les enfants de la halte garderie, les pêcheurs ou les adolescents, étaient d'une singularité et d'une ouverture surprenantes.
Pour notre projet, qui était de créer une forme en prise directe avec l'île et ses habitants, c'était des conditions plus que favorable. Nous avons passé cinq jours à écrire des textes, à filmer, à enregistrer et à laisser émerger une forme qui pourrait être la trace de la richesse et la complexité qui est ce passage entre l'intériorité et l'extériorité. Notre bref séjour sur l'île d'Utsira nous a encouragé de continuer à explorer cette question, et de lui trouver d'autres résonances. Une anecdote : un après-midi, une classe de collégiens arrive au phare pour le visiter. Nous discutions avec les professeurs et nous leurs avons demandé si nous pourrions filmer une séquence avec les enfants. Ils nous disent oui toute de suite.
Nous avons demandé aux élèves de s'éparpiller sur une colline, entre le bord de mer et la caméra, une distance d'une centaine de mètres au moins, et de rester face à la caméra, quoi qu'il arrive. Ils devaient rester debout, immobile pendant 10 minutes, le temps de la séquence. Dans le vent. Au bout de quelsues minutes, le temps change, et il se met à pleuvoir. 25 adolescents sous la pluie, debout, immobile. Personne n'a bougé. Ni même parlé. Ils ont continué à suivre les consignes, sous la pluei et dans le vent, restons immobile et disponible. Plus de 25 adolescents éparpillés sur une colline, debout, immobile, sans se parler ni à se regarder même pendant 10 minutes. Nous étions assez impressionnés, et reconnaissants. Après la séquence terminé, nous avions pu échanger sur notre travail avec les élèves et les professeurs.
La présence du vent est une des facteurs très particulières de cette île dont nous avons d'ailleurs fait l'expérience. Nous avions réfléchi à la question de l'eau, d'être entouré d'eau et coupé du reste de la Norvège par cette eau, un facteur fort dans l'intérêt que nous portions pour ce lieu. Cependant, nous n'étions pas du tout préparé à l'omniprésence du vent. D'un point de vu sonore nous avions pu effectué des enregistrements dans le phare qui sont assez remarquable.
Nous avons emmené avec nous tous le matériel technique et scénographique nécessaire
travailler de manière autonome. Un jour, nous y reviendrons.